Moussa Ath Slimane, responsable au MAK

Publié le par kabyle

 

Responsable de la section jeune du MAK, Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie, Moussa Ath Slimane, 19 ans, a participé aux récents Scontri di a Ghjuventù, organisés par la Ghjuventù Indipendentista. Il nous a donné une interview ou il retrace les perspectives de lutte du peuple Kabyle, aujourd'hui nié par l'Etat Algérien.

 

U Ribombu Internaziunale : Moussa, pour nos lecteurs quelques repères sur la Kabylie ?

 

Moussa Ath Slimane : La Kabylie est appelée en Kabyle Tamurt n Leqbayel, «le pays des Kabyles ». C'est une région qui se situe sur le bassin méditerranée en Afrique du Nord. Sa population est estimée en Kabylie de 6,5 à 7,5 millions, dans le monde à 12 millions. C'est une région qui a 200 kms de côte, 30.00 km. On différencie la Kabylie historique de la kabylophonie, composée de 9 willayas équivalent en France de 8 départements plus grands et plus vastes, c'est ce que l'on appelle la Kabylie historique. Parmi ces 9 wilayas il n'en reste que 3 véritablement kabyles (Bouira, Bougie et Tizi Ouzou).

Le MAK revendique la Kabylie historique. Culturellement, le Kabyle est une langue descendant du berbère, qui a plus de 30 millions de locuteurs dans le monde.

 

Politiquement, quel est actuellement le statut de la Kabylie ?

 

La Kabylie actuellement n'a pas de statut, elle n'existe pas de façon officielle. La Corse existe en tant que Collectivité territoriale, la Kabylie n'a rien du tout, elle est divisée en 9 wilayas et elle n'a pas d'assemblée régionale.

 

Tu représentes en Corse le MAK à l'occasion de cette 5è édition des Scontri Internaziunali di a ghjuventù in lotta, dans quel contexte intervient la création du MAK ?

 

Le MAK naît aux lendemains du « printemps noir », Tafsut taberkant, qui a débuté le 18 avril 21 par la torture et l'assassinat d'un jeune étudiant de Beni Douala, une petite ville à côté de Tizi Ouzou, il avait 19 ans. La région s'est embrasée et il y a plusieurs assassinats, meurtres, rackets.

Des hommes braves, un groupe de 8 personnes, ont alors fait la déclaration de Tizi Ouzou le 5 juin 2001, c'est à partir de là que le MAK s'est créé. Il s'est concrétisé au congrès d'Ighil Ali au mois d'août 2007 où il s'est doté d'une structuration.

 

Quel est le projet politique de ce mouvement. Vous revendiquez par exemple la création d'un « Etat-régional », qu'est-ce que vous entendez par là ? S'agit-il d'un Etat Kabyle au sein de l'Etat Algérien ?

 

Nous revendiquons effectivement la création d'un Etat-régional qui serait un Etat au sein d'un autre Etat. Nous pensons que seul le futur Etat-régional kabyle pourra défendre le peuple kabyle dans tous ses aspects : politiques, économiques, sociaux, juridiques et culturels.

 

Pour avoir ses 5 points dans notre futur Etat-régional, tout dépendra des négociations et du rapport de force qui s'installera avec le pouvoir algérien.

 

C'est la première fois cette année qu'une délégation kabyle est présente aux Scontri Internaziunali, pour vous que représente cet évènement ?

 

C'est un évènement très enrichissant. J'y ai appris beaucoup de choses et nous avons fait apprendre beaucoup de choses de nous. Cela permettra d'enrichir notre combat pour aller de l'avant. Demain, si l'Etat kabyle est autonome, nous pourrons vous apporter une aide, tout comme en Kanaky ou dans d'autres pays en lutte de la région méditerranéenne.

 

Le premier débat de ces Scontri, a porté sur la place des langues minorisées dans l'enseignement public. En Kabylie, il semblerait quand même que la langue kabyle soit très vivante au sein de la société…

 

La transmission de la langue est assurée par les parents et les grands-parents. Elle n'est pas réellement en danger comme peut l'être la vôtre. Dans la rue, lorsque l'on va à la banque, on s'exprime en kabyle même si les papiers sont en arabe ou en français. Mais du point de vue de l'éducation algérienne, la langue kabyle ou berbère n'est pas assumée par l'Etat algérien qui ne donne pas les moyens nécessaires pour que l'enseignement de cette langue à l'école soit assuré normalement, comme il le fait pour la langue française, la langue anglaise et la langue arabe.

 

Deuxième problématique de ces Scontri Internaziunali, il s'agissait d'un débat sur les jeunesses et les peuples face à la mondialisation. Face à un modèle uniformisant à l'échelle planétaire, quel modèle prône le MAK et qu'elle est son appréciation du phénomène mondial ?

 

Les Kabyles se sont toujours exprimés contre ce modèle uniformisant étant donné que le pays dans lequel nous vivons, l'Algérie veut un système uniforme, c'est-àdire un seul peuple et une seule langue. Les kabyles se prononcent contre cette politique. Quant à la mondialisation, elle a apporté certains progrès au point de vue technologique, concernant les échanges culturels avec les autres peuples. Mais elle nous a aussi handicapés : il n'y a pas un seul kabyle qui sache parler convenablement à 100 % kabyle, il y a toujours un mot arabe ou français dans sa phrase.

Même des chanteurs engagés empruntent des mots à la langue française, italienne, anglaise ou même arabe.

 

Prochainement auront lieu les élections présidentielles algériennes, vous prônez l'abstention…

 

Oui, on prône l'abstention, qu'X ou Y soit président ne changera rien pour nous. On préfère dire au peuple kabyle de ne pas perdre une demi-journée de travail pour aller voter pour un candidat qui ne fera pas avancer les choses. A titre d'information, le taux d'abstention est estimé entre 95 et 98 % pour les présidentielles. Pour les législatives à 90 %.

 

Comment vois-tu la Kabylie pour les années à venir ?

 

Je vois deux Kabylie. Une Kabylie qui deviendra autonome et qui va retrouver sa place réelle, telle qu'elle l'avait durant l'Antiquité, c'est-à-dire tournée vers le bassin méditerranéen, qui échangera culturellement avec vous tous. Je vois la Kabylie forte. En effet, malgré les bâtons que met l'Etat à l'économie kabyle, celle-ci est quand même solide. C'est la Kabylie pour laquelle le MAK milite et combat.

La deuxième Kabylie est une Kabylie qui restera dans le cadre de l'Etat algérien et de sa politique arabisante. Ce qui nous dérange, ce n'est pas la langue arabe, c'est ce qu'elle porte en elle. Pour moi une langue est un outil de communication entre humains. La langue arabe porte un certain nombre de choses très significatives par le biais de l'école notamment : derrière ce que l'on apprend se cache un réel sexisme, un réel anti kabylisme. On peut apprendre l'histoire kabyle en Arabe, en Corse, ou en Français ce n'est pas un problème, le problème c'est le contenu que cette langue véhicule.

 

U.R.I : Entre ces deux Kabylie, selon toi, laquelle va émerger ?

 

Bien entendu, une Kabylie autonome avec son Etat, ses propres institutions, son propre gouvernement régional. Cette Kabylie va s'autogouverner et mettre en valeur le peuple kabyle sur le bassin méditerranéen et pourquoi pas sur le monde entier.

 

Le groupe Canta u populu corsu a rendu hommage à Lounès Matoub dans l'une de ses chansons. Qui est Lounès Matoub pour le peuple kabyle ?

 

Lounès Matoub est un chanteur kabyle né dans les années 50. Orphelin de père, il a été élevé par sa mère. Il a connu le succès dans les années 80, aux lendemains du printemps berbère Tafsut n'Imazighen. Pour nous, Lounès Matoub est plus qu'un chanteur, plus qu'un poète, c'est un Rebelle. Il a dit ce que personne n'avait le courage de dire. Il a dénoncé la politique de l'Etat, l'arabisation, l'islamisation.

Il ne faut pas oublier qu'il a été kidnappé dans les années 90 par le Groupe Islamiste Armé, et c'est grâce à la mobilisation de tous les Kabyles en Afrique du Nord et dans le Monde qu'il a pu être libéré. L’attachement des Kabyles à Lounès Matoub a été évident au moment de sa mort : plus de 300.000 Kabyles se sont rendus à son enterrement malgré les barrages et les routes interdites par l'Etat. Il y a eu ensuite trois semaines d'émeutes, je crois que cela traduit l'amour que porte le peuple kabyle à son porte-drapeau, Lounès Matoub.

Source : www.uribombu.com   

Publié dans kabylie-debout

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