L’Eco di Bergamo : Interview de Ferhat Mehenni

Publié le par kabyle

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Comment voyez-vous la situation de l’Algérie à la veille des élections ?

 

Ferhat : La situation du pays est celle d’une impasse politique. Celle de la Kabylie est explosive.

 

En effet, malgré les milliards de dollars engrangés, à la suite de hausses continues des années durant des hydrocarbures, et même si près de la moitié a été affectée par la faillite de certaines banques américaines où l’argent fut déposé, il n’en demeure pas moins que cette manne aurait pu être une chance. Mais lorsque le système politique est celui de la rapine, il ne s’intéresse jamais au développement économique et au bien être des citoyens. Il ne pense qu’à se survivre au détriment des libertés, de la démocratie et des droits de l’homme. C’est sous cet angle qu’il y a lieu de voir le 3e mandat d’un vieillard qui rempile en dépit de la maladie et du bon sens. Nous avons une école aux murs délabrés, livrée à l’intégrisme et à la haine de l’Autre au moment où on construit la plus grande mosquée d’Afrique. Le pouvoir algériens’ est inscrit à tous les concours mondiaux de la stupidité. Ces élections jouées d’avances ne tiennent personne en haleine et n’amélioreront pas le quotidien des Algériens, ce qui grossit les rangs des candidats à l’émigration clandestine. C’est ainsi que les dictatures africaines et celles de tous les pays anciennement colonisés, refilent en douce aux pays occidentaux le produit de la mal-vie de leurs pays.

La Kabylie insultée, humiliée et martyrisée rumine sa revanche. La solution d’autonomie que le MAK propose pour canaliser la révolte d’un peuple toujours grandissante, risque à terme de paraître ridicule aux yeux d’une jeunesse qui veut du concret dans l’immédiat. Bouteflika venu en Kabylie dans le cadre de son insipide campagne électorale, n’a pas manqué de ficher quelques brindilles supplémentaires dans la mémoire endolorie du printemps noir de 2001. Il a légitimé le massacre de nos enfants par ses corps de sécurité en déclarant grosso modo que c’est de notre faute à nous les Kabyles. Puisque « vous avez demandé votre identité de manière brutale, en face des opposants ont répondu de manière toute aussi brutale ! » Le divorce est plus que consommé. La Kabylie est acquise au boycott de cette mascarade électorale

 

Prévoyez-vous qu’il y aura des troubles ?

 

Nous n’excluons pas une nouvelle provocation de la Kabylie par le pouvoir pour donner une justification qui soit factuelle et conjoncturelle de ce boycott et non politique. La Kabylie rejette ces élections pour affirmer un peu plus sa personnalité et crier son désir de prendre son avenir en main à travers une autonomie régionale. D’ailleurs les slogans qui ont fleuri les murs de la Kabylie ces jours-ci est : « Ulac lvut ma ulac timanit ! » (Pas d’élection avant d’avoir l’autonomie !)

 

Que vont-ils faire les Kabyles ?

 

Le peuple kabyle va boycotter et observer le 9 avril un jour de deuil. Les Kabyles n’attendent rien de ces élections et sont déterminés à arracher de haute lutte pacifique leurs droits en tant que peuple. Ils iront vers l’application du droit des peuples à leur autodétermination, quitte à recourir aux instances internationales. Par ailleurs ils ne feront pas le deuil de leurs martyrs du « printemps noir » jusqu’à ce que justice passe.

 

J’ai lu sur Internet vos déclarations où vous soulignez votre volonté de ne pas plier devant aucun type de pression. Pouvez-vous SVP. En dire davantage ?

 

Les cadres du MAK sont soumis à une pression sans précédent. Les intimidations, interpellations et fichages dont ils font l’objet durant cette campagne électorale contrastent avec l’amnistie des crimes de sang des terroristes islamistes. Certains de ces derniers se permettent de se pavaner dans les rues, avec leurs kalachnikovs sans qu’ils soient inquiétés. Ils faut dire que les armes de guerre font moins peur au régime algérien que les tracts et tags du MAK. Même moi, je suis sous le coup d’un mandat d’amener. On libère les terroristes et on emprisonne les démocrates. Voila le tableau illustrant la situation du régime algérien.

Devant tous ces anachronismes et ces menaces, le MAK ne pliera pas. Sa crédibilité s’est tant accrue qu’il ne peut aller que de l’avant. Vive le MAK

 

Quels sont vos sentiments, et comment réagissez-vous quand vous voyez la démocratie bafouée dans votre pays ?

 

J’ai de la douleur pour tous les Algériens. Je voudrais leur dire, du moins pour tous ceux qui prennent l’autonomie pour du séparatisme, que notre œuvre leur sera grandement bénéfique. Elle consiste en la réhabilitation de la démocratie et des droits de l’homme dont auront à jouir demain leurs enfants. J’ai mal à la Kabylie qui cristallise haine et assauts destructeurs de sa personnalité, de son économie et de sa jeunesse par un pouvoir fasciste. Mon sentiment est celui du devoir de continuer à me battre pour des idéaux sacrés de l’humanité, ceux de la liberté, du respect d’autrui et des droits humains.

 

Que va-t-il arriver à l’Algérie dans les prochaines années ?

 

Il arrivera à l’Algérie ce qui lui est déjà arrivé : La dictature et l’irresponsabilité. On a toujours les mêmes causes qui produisent les mêmes effets. C’est l’éternel recommencement. Toutefois, avec le problème kabyle qui s’est exacerbé au fil des décennies, c’est vers la désintégration du pays que le régime est en train de nous mener.

 

Quels sont les reflets de votre engagement politique dans votre vie privée et professionnelle ?

 

La chanson a été mon arme politique. Il n’y a aucun titre de mon répertoire qui laisse distraire. En vous accordant cette interview, je suis ravi de rappeler que j’ai adapté Bella Ciao en kabyle pour rendre hommage à mon fils assassiné en 2004 pour me châtier pour ma revendication autonomiste.

Publié dans kabylie-debout

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