Kabylie, l’autonomie : La seule solution

Publié le par kabyle

Par Azru Lukad

 

Il est inutile d’épiloguer sur l’évanouissement du Mouvement citoyen de 2001 ; mais il a montré au moins à la face du pouvoir algérien que la Kabylie sait se mobiliser comme un seul homme lorsque l’adversité l’y contraint. En l’occurrence, l’assassinat, par des forces armées nationales censées les protéger, de 126 de ses citoyens innocents, à la fleur de l’âge pour la majorité d’entre eux, a été ressenti comme une entreprise génocidaire à l’égard de tout un peuple et a entraîné le 14 juin 2001, un mouvement citoyen pacifique unique dans les annales par son ampleur. Et 8 ans après le massacre, la blessure est restée intacte dans le cœur de chaque Kabyle comme un stigmate rédhibitoire à toute forme de compromission avec le régime actuel.

Cette manifestation pacifique dévoyée par le pouvoir qui l’a stigmatisée comme une “ invasion de Kabyles dans la capitale ” est une réaffirmation solennelle du peuple kabyle à vivre dans la liberté et la dignité en toutes circonstances. Cette tentative de détournement de l’opinion a produit l’effet inverse chez l’immense majorité des Algériens qui a vu, à travers ce mouvement populaire, une possibilité de réalisation de sa propre autodétermination.

Depuis, le pouvoir, à travers la gendarmerie et parfois l’armée, multiplie les provocations sanglantes par ce qu’il présente comme des “bavures” et son allié l’intégrisme s’affiche en pays conquis malgré un quadrillage militaire de la région digne d’un état de siège. Entre les deux, “des groupes armés non identifiés” organisent le racket et l’assèchement de la sève économique régionale par des assassinats d’entrepreneurs ou leur enlèvement en vue d’extorsion de sommes d’argent qui anéantissent leurs projets. En toute quiétude !

À ce jour, pas un gendarme, militaire ou policier, responsable de meurtre, n’a été inquiété ni par sa hiérarchie ni par la justice. Pas plus qu’aucun kidnappeur n’a été appréhendé.

Le phénomène est tel que le citoyen le plus ordinaire tire de lui-même la conclusion qu’entre tout ce beau monde il doit nécessairement exister une connivence qui, dans bien des situations vécues, parait comme une évidence.

En fait, la mise en déréliction que subit actuellement la Kabylie de la part du pouvoir qui, dès 1962, a ravi la victoire aux Algériens en général et à la Kabylie en particulier, remonte bien au-delà. Par la ruse, la compromission, l’assassinat et même la délation de patriotes au profit de l’ennemi, les tenants de l’idéologie arabo-islamique ont systématiquement éliminé les élites kabyles depuis l’épopée de l’Étoile Nord-africaine en 1926.

Aujourd’hui, la région subit une offensive acharnée de “normalisation” qui se manifeste par l’arabisation et l’islamisation à outrance. L’imposition de la langue arabe a pour simple vocation de tuer la langue kabyle tandis que l’islamisation sert à dépersonnaliser le peuple kabyle et le dépouiller de ses valeurs ancestrales de liberté, de laïcité, de tolérance et de respect de l’autre. Et comme si les moyens financiers et humains déployés par l’État algérien, dans cette entreprise éperdue d’acculturation et d’aliénation de la Kabylie, ne suffisaient pas, ce dernier n’a pas hésité à brader une “souveraineté nationale” chatouilleuse en d’autres circonstances, pour appeler en renfort une puissance étrangère.

Mais las ! Les Kabyles ont pris définitivement conscience que dans de pareilles conditions, une seule option s’impose à eux pour assurer leur survie en tant que peuple à part entière : l’autonomie régionale dans les limites territoriales historiquement assises avant l’insurrection anticoloniale de 1871 (Tanekkra n 71).

Cette option n’est pas un choix, c’est une nécessité et l’autonomie, outre qu’elle est une bonne solution, se révèle être la seule solution. Quoi qu’il en soit, le peuple kabyle ne sera jamais enclin à aliéner ses droits historiques.

Plus que jamais la Kabylie a intérêt à se démarquer politiquement et administrativement d’une Algérie qui se transforme ouvertement en royauté d’un clan avec le compagnonnage d’un large éventail de partis politiques dont les représentants siègent sans état d’âme dans des assemblées où se votent à main levée les lois d’arriération du pays.

Actuellement, le pouvoir s’arroge tous les moyens dont dispose le pays pour consolider un appareil répressif destiné à contenir partout les révoltes citoyennes. En direction de la Kabylie, en plus de la répression et de l’intimidation, il fait usage d’un matraquage démagogique quotidien par le biais des médias publics dans le but de la stigmatiser et la désigner comme bouc émissaire de sa propre incurie. En dépit de tout cela, de plus en plus de compatriotes d’autres régions manifestent ouvertement leur solidarité à la Kabylie. Ces soutiens qui nous viennent de l’Algérie profonde sont un baume au cœur pour nous. Ils témoignent de la compréhension et de l’intelligence de nos concitoyens arabophones qui se rendent enfin compte que le combat de la Kabylie ne sert qu’à les tirer vers leur propre émancipation.

À quelque chose malheur est bon. C’est l’arrogance et le mépris du pouvoir envers les Algériens qui a fini par fédérer contre lui tous les peuples d’Algérie. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il ne reste dans le gouvernement que ceux qui sont capables d’immoler à leur cupidité tout le pays aux 4 coins cardinaux, comme certains Kabyles-de-Service qui prêtent à l’ennemi de leurs congénères, leurs mains, leurs discours et leur silence.

En plus des dénis linguistique, culturel et économique des peuples premiers, la falsification de l’histoire est aussi un moyen d’effacer leur existence même. Cette propension est l’apanage de tous les impérialismes et des régimes dictatoriaux qu’ils ont enfantés.

Ainsi, l’histoire officielle occidentale affirme que Christophe Colomb a découvert l’Amérique. Les Américains originels, c’est-à-dire ceux qu’on appelle les Indiens assurent pour leur part que ce sont leurs ancêtres qui ont “découvert” Christophe Colomb, moribond, l’ont soigné et sauvé d’une mort certaine.

Chez nous, les envahisseurs prétendent la même chose et l’outrecuidance du régime l’amène jusqu’à proclamer dans le préambule de la Constitution que « l’Algérie est une terre arabe ».

En Amérique, les peuples amérindiens qui étaient en voie de disparition recouvrent petit à petit tous leurs droits fondamentaux.

Chez nous, les dénis et la répression demeurent les seules réponses à des revendications légitimes.

Au sein du MAK, nous continuons sans faillir le combat pour notre peuple et avec lui parce que nous savons ce que sera demain.

 

Azru Loukad

 

Secrétaire national à la Culture et au Patrimoine

eẓẓugen, le 10 novembre 2009

Publié dans kabylie-debout

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